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Portage salarial et coopératives d’activité et d’emploi (CAE) : deux visions différentes de l’entreprenariat

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Les coopératives d'activité et d'emploi (CAE) sont souvent comparées au portage salarial. Arrivées à la même époque sur le marché de l'accompagnement à l'autonomie professionnelle, elles partagent avec le portage salarial bien des similitudes dans leur mode de fonctionnement, tout en restant très différentes dans leur vocation comme dans leur développement.

Les différences des CAE

Comme pour le portage salarial, les CAE s'adressent à des porteurs de projet auxquels elles assurent une sécurité sociale en leur conférant le statut de salarié, et la couverture sociale qu'il recouvre (assurance maladie, formation, cotisation à la retraite, pôle emploi).

Comme pour le portage salarial, la CAE accompagne le porteur de projet dans la gestion quotidienne de son activité en le déchargeant de la gestion administrative, comptable, fiscale et sociale de son activité.

Comme pour le portage salarial, la CAE déploie une communauté de travail destinée à contrer la solitude de l'activité autonome en organisant diverses rencontres professionnelles (échanges de bonnes pratiques, formation, réunions d'animation).

Comme pour le portage salarial, l'organisation interne est basée sur un accueil progressif du porteur de projet, dont l'entrée dans la communauté est marquée par la signature d'une convention cadre (appelée convention d'accompagnement pour la CAE), préalable à la signature du premier contrat commercial avec ses clients.

Les points communs entre CAE et portage salarial s'arrêtent là : n'ayant pas la même vocation, ils ne peuvent avoir la même politique et la même gestion.

1. Une vocation différente : de l'épanouissement personnel à la réalisation communautaire

  • La CAE a une double vocation : porter des projets qui s'insèrent directement dans la politique de développement de la ville et cultiver une forme d'entreprenariat solidaire. Le portage salarial, lui, vise à soutenir tout projet dans son développement, quelle que soit l'ampleur de ses aspirations : il est un accueil de la personne plus que du projet (Voir aussi la définition et le concept du portage salarial). La CAE est nécessairement une SCOP (société coopérative et participative). Elle dispose d'un comité de pilotage et de contrôle comprenant des représentants des pouvoirs publics (services de l'Etat, DDTEFP), des collectivités locales et des organismes sociaux (APEC, Pôle emploi), ainsi que des partenaires financiers. La CAE est donc inscrite dans la définition et le suivi de la politique de la ville : l'accueil de ses membres se fait conformément aux objectifs de développement municipal.
  • La société de portage est une société commercial en général une SARL ou SA, totalement indépendante de toute politique de gestion de la cité : elle nourrit des liens et partenariats de communication avec les diverses institutions sociales pour relayer sa capacité d'accompagnement des chercheurs d'emploi auprès des prescripteurs publics et privés sans pour autant être liées et/ou contrôlées par ces dernières dans la définition et le suivi de leur stratégie.

2. L'entrepreneur-salarié : de l'autonomie opérationnelle à l'indépendance participative

  • La CAE accueille des porteurs de projets en son sein, dès lors que leur projet est viable et participe aux objectifs économiques de la politique locale. La CAE étant une SCOP, son fonctionnement est assuré par un gérant et des chargés de mission, qui se réunissent chaque mois pour suivre sa bonne gestion : une partie des bénéfices de l'entreprise est affectée à un fonds de réserve obligatoire et indissoluble qui nourrit les fonds propres de l'entreprise. Le fonctionnement interne de la CAE est également celui d'une entreprise classique : les salariés reconnaissent l'autorité de leur dirigeant et concourent à une stratégie commune de développement et de gestion.
  • Le portage salarial est bien différent : les porteurs de projets sont également salariés, mais le salariat est davantage entendu comme la responsabilité de l'employeur d'épauler le collaborateur dans sa propre réalisation, plutôt que de le diriger vers une cause commune. Le portage salarial porte tout projet de services, quel qu'il soit : le chiffre d'affaires de l'indépendant revient donc pleinement à celui-ci, sans autre prélèvement que celui correspondant aux charges de la gestion de ses contrats.

3. Les métiers bénéficiaires : une complémentarité historique

  • A l'origine surtout développées autour des professions artistiques, artisanales, culturelles, du bâtiment, de service aux particuliers, de commerce et de négoce, les CAE se sont ouvertes aux services aux entreprises. Comme pour le portage, y sont exclues les activités réglementées, celles nécessitant un bail commercial, ou des investissements de départ répondant à des volumes au-delà de la notion du travail indépendant. Les seules restrictions restent celles de l'adéquation de l'activité aux besoins de la CAE et de la politique économique locale, ainsi que la capacité du projet d'évoluer de l'investissement autonome à la création d'entreprise ou au statut d'associé, la pérennité de l'activité restant un critère déterminant de la recevabilité du projet.
  • Le portage salarial accompagne essentiellement les prestations de services et les prestations intellectuelles à destination des entreprises. L'acception reste suffisamment large pour couvrir l'ensemble des missions en entreprise, et ce, sans restriction de définition, de volume ou de viabilité de projet porté.

4. Un accompagnement adaptés à chaque finalité

  • La CAE développe son accompagnement en plusieurs étapes successives, individuelles et collectives, adaptées à la nature de son statut (pré-salarié, salarié, associé) puisque l'entrepreneur est amené à terme à participer à la gouvernance de la CAE à laquelle il appartient. Les formations qu'il reçoit sont donc tournées vers ce double objectif, qui va bien au-delà du travail dit indépendant.
  • Le portage salarial n'a pas vocation à développer des compétences de gestion d'entreprise de ses collaborateurs portés : la formation proposée est destinée à les aider à passer le cap de l'expert à celui de travailleur indépendant déchargé de toutes questions de gestion et de gouvernance. La formation est donc essentiellement axée sur la construction et le développement d'une (stratégie, politique tarifaire, prospection, organisation opérationnelle). Toute formation destinée à enrichir le champ des compétences et donc la pertinence de l'offre du porté est prise en charge par la société de portage.

5. Des frais de gestion à géométrie variable

  • Dans le cadre de la CAE, l'entrepreneur ne devient salarié qu'à partir d'un certain seuil de solvabilité. Auparavant, il signe une convention d'accompagnement (3 mois renouvelables une fois) ou un contrat CAPE (Contrat d'appui au projet d'entreprise d'une durée d'un an, renouvelable 2 fois). Sa rémunération est fixée en fonction de son CA prévisionnel et de la trésorerie de l'activité, isolée de celle des autres salariés de la coopérative. L'accompagnement de la CAE dans la durée soutient le développement de l'entrepreneur dans la perspective de consolider suffisamment son projet pour le conduire au statut d'associé. S'il ne choisit pas cette voie, il sera amené à terme à créer sa propre entreprise.
  • De la même manière, l'entrepreneur en CAE participe directement à la mutualisation du fonctionnement de la CAE par des frais entre 7 et 20% de son CA ou de sa marge brute, hors assurance professionnelle. La CAE est conçue comme un système de vase communicant : les projets individuels portent le projet collectif, et le projet collectif alimente les projets individuels.
  • Dans le cadre du portage salarial, la dynamique de développement individuel n'est pas tributaire du collectif : chaque porteur de projet est accompagné pour ce qu'il est plus que pour ce qu'il apporte. L'accompagnement est donc conçu pour répondre aux besoins de chacun, pris dans son individualité : la formation à l'autonomie reste la base , complétée par toute formation nécessaire à la valorisation des talents des portés. De la même manière, les frais de gestion sont moindres car ils ne couvrent que le traitement administratif et comptable des contrats des portés et n'intègrent pas de mutualisation directe de frais de structure.

La notion de pérennité de projet est également appréhendée différemment : en portage, elle s'exprime davantage au regard des attentes du porté : la pérennité est la capacité de mener à bien ce que le porté s'est fixé, que cela soit sur une période transitoire (en parallèle de recherche d'emploi ou pour organiser en douceur sa retraite), aléatoire (par des missions ponctuelles en sus d'une autre activité professionnelle ou complémentaires au statut d'auto-entrepreneur) ou continue (choix de vie).

La CAE et le portage répondent donc à deux visions différentes de l'entreprenariat : créés en 1985 et 1988, ils pourraient être jumeaux tant ils ont de points communs apparents. Mais ce serait oublier leur raison d'être profonde qui répond à des projections très différentes. D'ou probablement la coexistence active de ces deux statuts depuis 30 ans !